Symphoniste des senteurs

Malgré les apparences, les souvenirs de la longue conquête de la Légion Athanatoi sur les tribus et les royaumes de la haute mer ne furent pas les seules guerres sans fin.
Au cours d’une nuit où le pouvoir doré tourbillonnait telle une marée furieuse, avant que la mélodie désirée ardemment par le roi divin n’ait été entièrement écrite,
la bienfaisante Euergetia, l’accordeuse exaltée, prêta une oreille attentive au peuple d’antan, en accordant une grande attention à leurs supplications.

Ces gens qui avaient le mal du pays, impressionnés par le luxe abondant de la capitale dorée et à genoux devant la miséricorde et la majesté sans pareilles du roi divin,
regardaient encore les rations militaires dans leurs assiettes lorsqu’ils levaient leurs verres pour chanter la gloire, et regrettaient les délices d’antan.
Les golems de pierre ne connaissaient ni la faim ni la soif, mais les gens d’autrefois n’étaient que des esprits logés dans des corps fragiles. Ils seraient bien déçus par la médiocrité du repas.
Et même le plus valeureux des généraux ne pouvait échapper à la responsabilité en matière de soutien des troupes, afin que les glorieuses victoires continuent.

Les directives du roi divin étaient absolues. Il ne fallait ni les remettre en question, ni y désobéir. Cependant, la faiblesse de ceux qui se décomposèrent trop rapidement n’était pas sans fondement.
L’harmonieuse et glorieuse symphonie étant censée englober tous les êtres vivants de la haute mer, exaucer leur souhait insignifiant n’était pas une offense.
Son collègue blond se plaindrait à nouveau de sa négligence, mais comme toujours, il ne l’arrêterait jamais.
La volonté d’une accordeuse exaltée pouvait faire trembler les os de la terre. Serait-il si difficile de créer des goûts et des saveurs ?

Ce fut ainsi qu’Euergetia commença son harmonisation, pour ces humbles demandeurs qui avaient perdu leur foyer, ainsi que pour la gloire et la victoire éternelles de l’empire.
L’ouïe et le goût pouvaient jouer en harmonie, le grondement sourd des tambours de guerre et le choc des épées pouvaient chanter à l’unisson… Elle pouvait se servir de toutes ces notes.
Une mélodie unique et un repas simple pouvaient rappeler à un esclave des plats délicieux qu’il ne goûterait que dans ses souvenirs et lui redonner le moral.
Ce confort n’était qu’illusoire, mais les illusions et la poussière n’étaient-elles pas l’origine et la fin de tout dans ce monde ?

Euergetia, née dans le Domus aurea, fut exaltée dans le temple des taureaux et des lions de pierre…
Avant de se vider de ses désirs, elle fut également émerveillée par une douce musique et des confections aussi sucrées que du miel autrefois.
Si elle avait persisté sur ce chemin, peut-être qu’un jour serait venu où même ceux qui étaient promus pourraient déguster des plats divins.
Cela aurait pu rassembler tout le monde, quels que soient les conflits et les divergences auxquels ils étaient confrontés…

Cependant, cet empire doré ne pouvait pas jouer les dernières notes de l’éternité,
tel un changement long et voilé qui renversa la forteresse de pierre blanche, en une seule nuit.
Le mal et le bien sombrèrent dans les profondeurs de l’océan de la même manière… Pourtant, ce souhait le plus simple qui soit,
le désir commun de savourer une délicieuse nourriture, si éloignée de la gloire,
transcenderait l’harmonieuse et glorieuse symphonie, et perdurerait jusqu’à la Fontaine d’aujourd’hui…